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Acteur notoire sur le secteur de la propriété intellectuelle, de l’entertainment et de la musique, Boris Khalvadjian, docteur en droit et avocat revient pour Décideurs sur les principales problématiques rencontrées dans l’industrie de la musique, des réflexes à adopter lors de la rédaction d’un contrat entre un artiste et un label à l’accompagnement des artistes dans la gestion de leur image sur les réseaux sociaux.

Décideurs. Quelle est la principale problématique du secteur de la musique ?

Boris Khalvadjian. Il est difficile de définir une problématique propre à ce secteur, à notre époque. Simplement, retenons que l’industrie musicale demande beaucoup à un artiste. Il doit créer des tubes, les produire, gérer ses réseaux sociaux tout en ayant, dans le même temps, la bonne stratégie pour être « liké ». L’avenir de la musique passe nécessairement par remettre les choses dans le bon ordre et commencer par redonner toute son importance à la créativité prendrait tout son sens. Dans une économie fragile, encore marquée par la chute des ventes de disques et maintenant avec l’épidémie du Covid, il faut savoir défendre le « fond », les textes, le contenu artistique, en somme, tout ce qui attache durablement un artiste à son public.

Vous êtes reconnu en droit de la musique. Comment accompagnez-vous vos clients sur ce secteur ? Quelle est votre offre en la matière ?

Mon cabinet accompagne ses clients artistes, producteurs et éditeurs de manière très différente selon les projets et les individus. Plus que dans d’autres domaines encore, les clients de l’industrie musicale attendent de la part de leur conseil qu’il s’adapte à eux et à leur sensibilité. Personnellement, je refuse de travailler sous le diktat des « usages de la musique », en particulier lorsqu’il s’agit de négocier un contrat. J’ai du mal à me contenter de l’idée qu’une règle s’imposerait nécessairement à notre client du seul fait qu’elle soit usuellement pratiquée par d’autres. Il est nécessaire de savoir étudier un projet, écouter la musique que l’on défend et se poser la question de l’adaptation d’un argument, d’un contrat à une situation. S’il faut, pour un dossier, bousculer les codes, alors il ne faut pas hésiter à le faire, que l’on conseille ou défende nos clients devant les tribunaux. Pour la rémunération, le cabinet sait s’adapter à ses clients, à leurs moyens et aux enjeux économiques d’un dossier. Nous accompagnons certains sur le long terme sur la base d’un tarif horaire ou mensuel convenu. D’autres nous font confiance de manière plus ponctuelle, ce qui facilite le recours au forfait. Je peux aussi exercer la mission de mandataire d’artiste.

 

 » On peut mesurer la détermination d’un partenaire à s’impliquer sur le long terme aux concessions qu’il est prêt à faire dès la signature d’un contrat « 

 

Quels sont les réflexes à prendre lors de la négociation entre un artiste et un label ?

Un contrat est là pour répondre à des attentes. Il doit y avoir un objectif pour chacune des parties. Le premier réflexe est donc de s’assurer que le contrat proposé permette à chacun d’atteindre cet objectif qui parfois – mais pas toujours – est différent pour l’artiste et le label. Le contrat idéal n’existe pas. Lorsqu’un deal est signé, les parties font des concessions. Celles-ci traduisent le degré d’envie de collaborer l’un avec l’autre. Je pense qu’on peut mesurer la détermination d’un partenaire à s’impliquer sur le long terme aux concessions qu’il est prêt à faire dès la signature. Ensuite, une fois les objectifs en tête, pour les artistes, il faudra faire attention à l’étendue des engagements, à l’exclusivité, aux conditions d’exercice des options, en d’autres termes se projeter pour savoir ce que sera le contrat dans un, deux, voire 5 ans. Cette réflexion vaut également pour les labels.

À l’ère des réseaux sociaux, comment accompagnez-vous les artistes sur la gestion de leur image ?

Certains artistes sont de véritables influenceurs et donc des médias à eux seuls. Cependant, bon nombre de contrats d’opérations commerciales pour des marques ne le prennent pas suffisamment en compte. Il est de pratique courante, lors de posts sponsorisés de produits sur Instagram ou Facebook notamment, sous forme de photos, vidéos, que l’artiste soit parfois moins rémunéré que certains influenceurs à visibilité égale. Ce n’est pas juste. Quand nous négocions un deal influenceur pour un artiste, nous ne sommes plus dans la musique mais dans la publicité et cet écart n’est pas justifié.

Finalement, concernant l’image des créateurs-interprètes, les labels y gagneraient à endosser le rôle de manager car ils recevraient une meilleure gratification de l’artiste. Certains labels l’ont déjà compris et sont d’ailleurs très protecteurs vis-à-vis d’eux en leur réservant jusqu’à la majorité des recettes d’un deal marketing avec une marque. Certaines maisons de disques importantes sont engagées dans des contrats-cadres avec des marques. Il faut donc aussi réfléchir aux termes de ces contrats-cadres. Anticiper donc.

 

 » Certains artistes sont de véritables influenceurs et donc des médias à eux seuls « 

 

Quelles sont vos prochaines ambitions sur le secteur ? 

Lorsqu’on est avocat dans le secteur de la musique et de la création en général, on est, par la force des choses, appelé à travailler pour des exploitants tels que des producteurs, des distributeurs et des licenciés, des créatifs comme des auteurs, des compositeurs, et des artistes. La principale difficulté, quand votre nom circule dans la profession, est de rester fidèle à la défense de son client, quelles que soient sa notoriété, son réseau professionnel et même nos sympathies éventuelles envers l’un ou l’autre. Je considère que ma principale ambition est de demeurer toujours fidèle à moi-même, de rester à l’écoute des artistes et professionnels qui démarrent et de ne jamais sacrifier les intérêts de ceux, puissants ou pas, qui me font confiance.

 

Propos recueillis par Alexandre Lauret