Skip to main content

Traduire est un art. Trahir est une contrefaçon.

Les juges, en tout cas, se montrent généralement compréhensifs du traducteur littéraire, bien conscients que ce dernier ne peut réemployer nécessairement les mêmes mots pour traduire la même pensée… En l’espèce, les Éditions Albin Michel étaient poursuivies en justice, notamment, pour avoir trahi la pensée d’un auteur russe défunt par la traduction française erronée de l’un de ses livres. L’héritière de l’auteur s’appuyait sur les experts pour justifier ses prétentions. Le livre qualifié par l’auteur de « poème » était devenu un « roman » une fois édité en français et comportait 41 erreurs de traduction par rapport à l’édition russe. Parmi celles-ci, notamment, « j’irai à ta rencontre toute vêtue de noir, toute charmante, et j’te grifferai la gueule avec mon annulaire ! » était devenu « j’irai à ta rencontre toute vêtue de noir, ensorcelante, et j’te grifferai la gueule de mes propres ongles ! ». « Tiens, t’as baissé la tête, le petit con ? C’est les remords qui te bouffent, sale gueule de youpin, ou quoi ? » était devenu « Baisse la tête, petit con ! T’avais la conscience qui te travaillait, ou quoi ». Mais les juges estiment que la mention du terme de « roman » ne constitue pas une dénaturation du contenu du livre, que 41 erreurs sur 190 pages, sorties de leur contexte, ne permettent pas d’affirmer que la pensée de l’auteur s’en trouve altérée… Le texte peut donc être modifié si la pensée reste inchangée. Un message que certains écrivains décédés aurait eu du mal à comprendre…

Décision : CA Paris, 27 novembre 2009, RG n°08/07454.

Leave a Reply