Le Code de la propriété intellectuelle consacre une obligation d’usage de sa marque. Le propriétaire d’une marque perd en effet ses droits s’il n’en a pas fait un usage sérieux durant les 5 dernières années. La déchéance n’est pas automatique. Celui qui détient une marque qu’il n’a pas exploitée pendant 5 ans peut parfaitement entreprendre ou reprendre son exploitation aussi longtemps qu’aucune demande en déchéance n’est déposée. La difficulté survient toutefois lorsque la demande est faite, le plus souvent, à l’occasion d’une action en contrefaçon engagée par le propriétaire de la marque.
Le propriétaire de la marque qui agit en contrefaçon se voit ainsi opposé par le défendeur la déchéance de sa marque. Il incombe alors au propriétaire d’établir qu’il a fait un usage sérieux de la marque, ce qui n’est pas mince affaire. L’usage sérieux est un usage public, réel et non fictif ou symbolique (réalisé pour le seul maintien des droits sur sa marque). On sait par exemple que des factures, des catalogues dans lesquels sont reproduits des produits portant la marque, des prospectus, des listes de prix, des tarifs publics indicatifs sont susceptibles d’établir cet usage sérieux, à condition que ces documents comportent une référence formelle à la marque contestée. Au contraire, la seule production d’un contrat de licence, sans preuve de la mise sur le marché des produits, est insuffisante à établir l’usage sérieux (Paris, 8 avril 1998, PIBD 1998, III, p. 419).
Dans l’affaire commentée, le propriétaire d’une marque qui agissait en contrefaçon s’était ainsi vu opposer la déchéance de sa marque. Il versait divers documents pour établir l’usage sérieux, documents qui n’ont pas été jugés pertinents pour plusieurs raisons : certains documents n’étaient pas datés, d’autres ne reproduisaient pas la marque, d’autres enfin étaient postérieurs à l’action.
Toujours est-il que le propriétaire de la marque versait par ailleurs au débat : une coupure de presse récente où était reproduite la marque et le produit couvert, une capture d’écran d’un site internet qui proposait à la vente les produits couverts par la marque, ainsi qu’une facture portant sur 4 produits de la marque, avec la marque reproduite. A en croire la jurisprudence ancienne, ces éléments de preuve étaient semble-t-il suffisamment pertinents mais ils n’ont pas emporté la conviction des juges de la Cour d’appel de Paris. L’on regrettera simplement une motivation (en noir ci-dessous) pour le moins lacunaire…
L’appelante communique à cet effet : une photocopie d’une page mentionnant ‘Luxe à prix d’usine prêt à porter Elysea’ assorti de 4 adresses, non datée sans que cette page puisse être rapprochée d’un document, une facture adressée à la société Leda portant sur la réalisation de cartes de fidélité sans mention de marque ou dénomination, une enveloppe comportant la dénomination Elysea, des photocopies de documents intitulés les bébés d’Elysea, non datées, des photographies de sacs comportant la dénomination Elysea, non datées, un document intitulé Elyséa Maroquinerie non daté, des factures Leda//Anaelle de 2008 portant sur divers produits ne comportant pas la marque Elysea, une facture du 6 juin 2008 provenant d’une entreprise chinoise adressée à la société Leda, sans mentionner la marque, une facture du 19 mars 2007 en provenance d’une société chinoise ne mentionnant pas la marque, une facture de dépose de l’enseigne Elysea de la société Leda, une facture adressée à la société Tali pour la création de flyer en date du 21 septembre 2009 sans mention de la marque, une facture de livraison de flyers au profit de la société Tali le 26 juillet 2010 portant la mention Anaelle Elysea et les Bébés d’Elysea, et des captures d’écran présentant des sacs, du 24 novembre 2011, postérieures à la présente action.
Ces documents n’établissent pas l’usage, à l’égard du public, par l’appelante, de la marque Elysea.
Elle verse également aux débats un extrait du journal Closer de la semaine du 5 au 11 septembre 2009 où est reproduite la photographie d’un sac comportant l’intitulé de présentation Elysea, une capture d’écran du site Brandealley du 9 octobre 2009 proposant à la vente 3 sacs Elysea, une facture du 13 janvier 2008 de la société Leda à la société Méline portant sur 4 sacs Elysea. Mais ces seuls documents n’établissent pas l’usage sérieux de la marque pour les produits et services visés au dépôt pour la marque pendant la période considérée.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le tribunal a prononcé la déchéance de la marque pour l’ensemble des produits et services visés à l’enregistrement à compter de sa publication, faute de commercialisation.
Décision : Cour d’appel de Paris, 18 octobre 2013, RG n°12/11866 (à télécharger)
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Boris Khalvadjian – Avocat à la cour- PARIS
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