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Le contrat d’artiste, également dénommé contrat d’enregistrement exclusif, est l’un des accords les plus structurants de la carrière d’un artiste-interprète. Il définit les relations entre l’artiste et le producteur phonographique, encadre la production, la promotion et l’exploitation des enregistrements et fixe la répartition des revenus issus de leur diffusion. Avant toute signature, il est essentiel d’en comprendre les mécanismes et les conséquences juridiques.

La nature du contrat

Le contrat d’enregistrement exclusif est juridiquement un contrat de travail à durée déterminée d’usage (CDDU). Il est régi en tant que tel par les dispositions légales et règlementaires du Code du travail et de la Convention collective de l’édition phonographique. En signant son contrat, l’artiste devient ainsi salarié du Producteur ceci en vue de l’enregistrement et de l’exploitation de ses interprétations sur une durée déterminée ou pour un nombre de projets déterminés (Singles, EP et/ou Albums). L‘artiste devient aussi artiste-interprète principal au sens de l’Annexe III de la Convention collective applicable qui en détermine le montant de ses cachets.

L’objet du contrat

Le contrat d’enregistrement exclusif définit généralement le nombre de projets (Singles/EP/Album LP) à enregistrer. Certains engagements sont « fermes » car l’artiste et le Producteur sont engagés réciproquement à les enregistrer. D’autres sont dits « optionnels » car ils supposent l’exercice d’une option consentie au Producteur. L’artiste est engagé mais le Producteur peut décider de ne pas exercer son option et donc, ce faisant, mettre un terme anticipé au contrat, si les conditions de réussite ou de retour sur investissements ne sont pas réunies. 

Il est très important que le contrat fixe des délais :

Délai d’achèvement (12 à 24 mois pour un Album),

Délai de sortie commerciale (3 à 6 mois),

Délai de promotion (6 à 18 mois)

L’exclusivité de l’artiste

Ce contrat repose sur un principe fondamental : l’exclusivité. L’artiste est engagé à enregistrer uniquement pour le Producteur pendant toute la durée du contrat. L’exclusivité couvre généralement l’ensemble des sorties commerciales de l’artiste, en ce compris les sorties commerciales d’enregistrements produits antérieurement au contrat d’artiste de manière à éviter que la sortie d’un ancien projet perturbe l’investissement réalisé par le Producteur sur un projet récent.

Extrait de clause d’exclusivité :  

L’Artiste, qui se déclare libre de tout engagement similaire, concède au Producteur ou à toute autre société qu’elle pourrait se substituer dans l’exécution des présentes, pour la durée du présent contrat, l’exclusivité de la fixation de ses interprétations, de la reproduction sur tous supports, de la communication au public par tous moyens de ses enregistrements audio et/ou audiovisuels d’œuvres musicales, avec et/ou sans paroles interprétées, pour le monde entier.

La clause catalogue, généralement prévue au contrat, prolonge cette exclusivité au-delà du contrat. Elle interdit à l’artiste de réenregistrer ses œuvres pendant plusieurs années afin de protéger le catalogue du producteur. Conclue usuellement pour une durée de 5 à 10 ans et s’apparentant à une forme de clause de non-concurrence, il est essentiel que cette interdiction de réenregistrer soit proportionnée et rémunérée à une hauteur adaptée qu’on fixe usuellement, pour chaque année d’interdiction, à 50% du salaire moyen perçu sur l’ensemble des phonogrammes sortis multiplié par ce nombre de phonogrammes sortis.

Extrait de clause catalogue :  

L’Artiste s’interdit de réenregistrer les enregistrements objets des présentes pendant une période de 5 ans à compter de la fin de la durée d’exclusivité visée ci-avant. Dans l’hypothèse où le Producteur souhaiterait exercer la présente clause, il versera à l’Artiste une somme brute globale et forfaitaire égale au produit du nombre de phonogrammes inclus dans les programmes inédits objet des présentes, par la moitié du montant du salaire moyen principal et ce, pour chacune des 5 (cinq) années pour lesquelles le Producteur demanderait le respect de la présente disposition.

L’autorisation d’exploitation

Dans le contrat, l’Artiste cède également, de manière exclusive, au Producteur l’ensemble de ses droits d’exploitation relatifs à ses interprétations sur les enregistrements. Cette cession s’applique au monde entier et pour toute la durée légale de protection. Elle comprend le droit de fixation (enregistrement des performances), le droit de reproduire (fabrication, pressage, téléchargement, streaming), le droit de communiquer au public (radio, télévision, plateformes) et le droit d’exploiter les interprétations pour un usage secondaire et dérivé (films, publicités, synchronisations). Le Producteur devient ainsi l’unique détenteur du master, véritable actif économique de la production phonographique.

Extrait de clause de cession de droits :  

L’Artiste cède, et ce à titre exclusif, pour la durée légale de protection des droits de l’artiste-interprète dans chacun des pays du monde et de son éventuelle prolongation, et pour le monde entier, au Producteur l’entière propriété des droits de fixation et d’exploitation de ses prestations musicales, sous toutes formes (notamment phonogramme, vidéogramme), sur tous supports (notamment physique, digital), par tous moyens, directement ou indirectement (y compris par l’utilisateur final), sous toutes marques et étiquettes, à titre gratuit ou au prix fixé par le Producteur, à titre commercial ou promotionnel, pour la durée légale de protection des droits de l’artiste dans chacun des pays du monde et de son éventuelle prolongation.

L’image et le nom de l’artiste

Le contrat prévoit également l’utilisation du nom, de l’image et des attributs de personnalité de l’artiste. Ces éléments peuvent être exploités, à titre exclusif ou non, pour promouvoir les enregistrements, réaliser des produits dérivés ou mener des opérations de partenariat. Toutefois, un droit de regard préalable de l’artiste est souvent prévu afin d’éviter toute atteinte à son image ou à son identité artistique. Les contrats définissent l’étendue de ce droit de regard. Pour simplifier l’usage de visuels promotionnels, il est fréquent que l’Artiste et le Producteur s’entendent sur les photographies de l’Artiste à utiliser et que le Producteur puisse ensuite réexploiter librement ces photographies qu’il sait approuvées par l’Artiste.

Extrait de clause :

L’Artiste concède également au Producteur les droits exclusifs d’utilisation et d’exploitation des noms, images (fixes ou animées), logo(s), et autres attributs de la personnalité de l’Artiste, ainsi que le cas échéant toute marque déposée le désignant (en ce compris, nom, pseudonyme, logo, symbole), sous toutes formes, sur tous supports, par tous moyens et à toutes fins.

La rémunération : cachets, avances et redevances

L’Artiste perçoit plusieurs rémunérations définies au contrat.

D’abord, parce qu’il est salarié, il perçoit un cachet en contrepartie de la réalisation et de la première fixation de ses enregistrements. Ce cachet est fixé conformément à l’Annexe III de la Convention collective applicable. Il donne lieu à l’établissement de bulletins de salaires qui mentionne le nombre de cachets payés à l’Artiste.

Cachets minimum pour l’Artiste principal (Source) :

Single (Durée inférieure à 5 mn) : 190,30 Euros Bruts

Ep (Compris entre 10 et 20 mn) : 570,91 Euros Bruts

Album (Au-dessus de 20 mn) : 31,40 Euros Bruts dès la première minute

Ensuite, l’Artiste perçoit une avance ou « à-valoir » sur de futures redevances. Il y a désormais des minimums fixés au niveau légal. Cette avance est par définition récupérable : tant que le producteur n’a pas recouvré sa mise, aucune redevance complémentaire n’est due. Une fois le seuil de récupération atteint, l’artiste perçoit des redevances. Il est assez rare que l’Artiste perçoivent des primes non récupérables à la signature. De telles primes se retrouvent plus souvent dans des contrats commerciaux de distribution ou de licence conclus entre Producteurs et Distributeurs/Licenciés. 

Les redevances versées à l’Artiste sont proportionnelles aux résultats d’exploitation. Elles sont assises sur le prix de gros hors taxe (PGHT) ou les recettes nettes effectivement encaissées par le Producteur. Les redevances sont généralement comprises entre 12 et 15%. Elles sont parfois plus élevées pour des artistes de forte notoriété.

Des redevances spécifiques sont réservées à l’Artiste pour les exploitations secondaires ou dérivées telles que la télédiffusion (Youtube, etc.), le merchandising, les partenariats commerciaux (opérations marques, évènements privés…), les concerts privés (c’est-à-dire les concerts sans billetterie). C’est là que l’artiste perçoit généralement les rémunérations les plus élevées puisque sa rémunération oscille, pour ces modes d’exploitation, entre 30 et 80% des recettes effectivement encaissées par le Producteur.

L’administration des réseaux sociaux

Le contrat aménage les conditions d’administration de la communication digitale de l’artiste. Il est assez fréquent que l’Artiste conserve son pouvoir de gérer ses réseaux sociaux mais qu’il le fasse en concertation ou en accord avec son Producteur avec lequel il définit une direction artistique conforme au développement de sa carrière.

Extrait de clause :

L’Artiste administrera seul ses réseaux sociaux. L’Artiste et le Producteur s’accorderont toutefois sur la publication de contenu relatif à son actualité artistique (tournée, sorties commerciales, etc.). L’Artiste accepte et s’engage dès à présent à faire droit aux demandes raisonnables et usuelles du Producteur. Par ailleurs, l’Artiste s’engage à donner au Producteur un accès direct aux données analytiques liées à l’exploitation de ses réseaux sociaux et concède au Producteur le droit d’installer tout outil informatique (tracker, code, etc.) permettant d’analyser et/ou de mesurer le trafic, les profils, les parcours des clients et plus généralement toute donnée statistique et/ou comptable liée aux réseaux sociaux l’Artiste afin de permettre à ce dernier de promouvoir au mieux les Enregistrements. 

Les prestations scéniques

Le contrat d’artiste peut également consentir au Producteur des droits sur les prestations scéniques de l’Artiste. Le contrat peut consentir au Producteur un droit de priorité pour produire les futurs spectacles de l’Artiste. Il peut lui consentir un mandat de recherche, à titre exclusif ou non, le cas échéant en lui réservant la possibilité de devenir coproducteur de ses spectacles. Le contrat peut également d’ores et déjà aménager les conditions de production des spectacles de l’Artiste, mais à la condition d’aménager corrélativement une rémunération salariale pour l’Artiste. L’économie des futurs concerts de l’Artiste n’étant pas généralement connue au stade de la conclusion du contrat d’artiste, les Producteurs préfèrent souvent opter pour :

(i) un droit de priorité ou (ii) un mandat exclusif.

Extrait de clause de mandat exclusif :

Pour les droits de prestations scénique de l’Artiste, et ce pour la durée d’exclusivité consentie au Producteur aux termes des présentes, l’Artiste consent à titre exclusif au Producteur un mandat d’intérêt commun d’engager toutes recherches, discussions, négociations de contrats de prestation scénique auprès de tiers producteurs de spectacle aux fins de conclusion (i) d’un contrat de coproduction de spectacles entre le tiers producteur de spectacles et le Producteur, et (ii) d’un contrat d’engagement d’artiste en vue de la réalisation d’une ou plusieurs tournées réservant à l’artiste un taux de bénéfice nets égal à la part de coproduction réservée au Producteur aux termes du contrat de coproduction. 

La reddition des comptes

Le Producteur est tenu de communiquer à l’Artiste un relevé détaillé des ventes et revenus, en général deux fois par an (Mars et septembre de chaque année en général). L’Artiste dispose d’un droit de contrôle et peut mandater un expert pour vérifier l’exactitude des comptes. En cas d’erreur substantielle, le Producteur doit corriger le décompte et rembourser les frais d’audit dans la limite prévue au contrat. Cette clause de transparence est essentielle pour garantir une exploitation loyale des enregistrements.

L’Artiste peut demander à son Producteur à ce que le merchandising vendu en concerts isolés fasse l’objet d’arrêtés de compte séparés, de manière à percevoir plus fréquemment des revenus, sans attendre les arrêtés de compte principaux.

Extrait de clause pour séparer les arrêtés de compte de merchandising :

Il est toutefois convenu que les revenus générés par la vente de produits de merchandising intervenant dans le cadre de l’organisation d’une tournée ou de concerts isolés de l’Artiste pourront faire l’objet d’arrêtés de compte séparés. Les redevances revenant à l’Artiste seront alors arrêtées dans un délai de 3 (trois) mois qui suivent la fin des représentations et versées au plus tard 1 (un) mois plus tard sur la base de la rémunération définie à l’article 10 a).

Autres clauses particulières

Le contrat d’enregistrement exclusif peut également comporter des clauses plus spécifiques :

Par exemple, pour couvrir l’hypothèse où l’Artiste est également Beatmaker :

Dans l’hypothèse où l’Artiste serait également réalisateur artistique ou plus communément dénommé « beatmaker » des bandes enregistrées reproduisant les interprétations vocales de l’Artiste, le taux de redevance applicable couvrira l’ensemble de ses prestations tant vocales (en qualité d’artiste-interprète vocal) qu’instrumentales (en qualité de beatmaker).

Par exemple, pour encadrer les modalités de prise en charge de la rémunération d’un réalisateur artistique :

Si pour la production (incluant mix, remix) d’un enregistrement, il est fait appel aux services d’un ou plusieurs intervenants extérieurs (réalisateur artistique, (re-)mixeur, producteur exécutif), bénéficiant d’une redevance proportionnelle, le Producteur accepte de la prendre à sa charge dans la limite maximale de 2% (deux pour cent) des Recettes Nettes Encaissées. Au-delà de 2% (deux pour cent), les redevances supplémentaires seront supportées par l’Artiste (Par exemple : en cas de rémunération de 3% convenue au bénéfice d’un réalisateur artistique, 2% seront pris en charge par le Producteur et 1% par l’Artiste).

Par exemple, pour obliger l’Artiste à informer son Producteur de l’existence de samples intégrés à ses enregistrements vocaux et/ou instrumentaux :

De même l’Artiste s’engage préalablement à tout enregistrement et dans des délais raisonnables, à informer le Producteur de toute utilisation d’œuvres et/ou d’enregistrements préexistants (dits « sample ») afin que cette dernière procède auprès des ayants droit aux demandes y afférentes. Il est en outre précisé que les frais inhérents à cette procédure préalable d’autorisation sont inclus dans les budgets d’enregistrement.

L’importance d’un accompagnement juridique

Le contrat d’enregistrement exclusif engage la carrière de l’artiste pour plusieurs années. Sa signature doit être précédée d’une analyse approfondie des clauses qui y figurent. Un avocat en droit de la musique peut assurer la négociation d’un contrat équilibré, protecteur des intérêts de l’artiste tout en préservant la relation professionnelle avec le producteur.

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Cabinet Khalvadjian Avocats / Tél : 06.43.14.93.05

Droit de la musique – Droit de la production phonographique – Droit de l’audiovisuel
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